De la conscience de la publicité
Mesdames, messieurs, mesdemoiselles,
L’heure est désormais à la réflexion. J’entends ces allégations infondées qui nous laissent comprendre que la publicité serait démesurément mercantile. A ces murmures, il convient de répondre avec l’intelligence dont nous sommes doués.
Tout d’abord, il s’agirait de comprendre l’aspect fondamental de la publicité. En effet, nous pourrions croire qu’elle émane d’elle-même et qu’elle est imposée aux populations comme une obligation, un impératif de voir et d’entendre (parfois les deux en même temps !). Que nenni, car ce postulat (erroné) revient à omettre l’influence indéniable de l’annonceur. Alors, la question devient toute autre : Qu’est-ce que cet annonceur et qu’est-ce qu’il a à voir là-dedans ? L’annonceur est une entreprise ou un groupement de personnes qui développent et proposent aux consommateurs un produit ou un service. Les lois du capitalisme sont telles que cet annonceur (l’entreprise si vous suivez) n’est pas viable si le produit ne correspond pas aux attentes des consommateurs (vous !). Il semble donc logique que la fabrication d’un produit soit affirmée par les études statistiques que vous pouvez connaître, définissant vos besoins, vos désirs et vos rêves. CQFD : Un produit, une entreprise n’existe que par rapport à vous et vos attentes !
Partant de là, l’entreprise doit communiquer, afin d’améliorer la notoriété et donc la consommation d’un produit issu de vos propres attentes, et c’est là qu’intervient l’équipe des publicitaires. Et nous touchons alors le cœur du problème : Comment passer d’un produit alpha à une image de marque que le système de consommation capitaliste saura magnifier par lui-même? Autrement dit, comment vendre du rêve ?
Question difficile si l’en est ! Longtemps, les publicitaires ont pensé qu’un produit saurait se vendre grâce à ses caractéristiques et ses atouts. Puis, ces mêmes caractéristiques devinrent fades et aconceptuelles, si bien que les publics de consommateurs préférèrent vite se tourner vers des images ou des valeurs: c’est l’introduction de l’art en publicité ! Il serait erroné de laisser cette idée ainsi, il serait en effet plus juste de signaler que l’art en soi est une forme de publicité. J’entends déjà les plus véhéments dénoncer ce postulat, c’est pourquoi, il convient, dans un certain respect des formes, d’argumenter ces quelques mots. On oublie trop souvent l’ambivalence de l’art. La plupart d’entre nous n’y voit que pureté (voir purification), que libération et que liberté de l’âme humaine, à travers des formes de communication inédites. A cela, je dis stop ! Sortons de cette naïveté quasi-affligeante qui nous réduit, car lorsque Michel-Ange accepta de peindre la plafond de la Chapelle Sixtine, ce n’était pas du bénévolat (eh non !). D’une part, comment refuser un si gros contrat proposé par le Vatican (le Nike de l’époque) ? D’autre part, cette œuvre, aussi grandiose soit-elle, fut une sacrée vitrine, et même une vitrine sacrée, si j’ose dire, pour ce brave Michel qui fut aussitôt submergé de nouveaux contrats, si bien qu’il dut créer une école afin de sous-traiter : Les visiteurs de la Chapelle Sixtine étaient de gros bonnets. Enfin, nous devons être réalistes et comprendre que cette œuvre n’est qu’un outil de promotion évènementielle : l’avènement d’un homme nu, égérie suprême du Vatican. La question se pose alors : Ne serait-ce point de la publicité ? A cette interrogation, contentons-nous de répondre sobrement : Si c’est pas de la pub, c’est de la propagande ! (oui, oui, c’est dit !)
Selon la même optique, les hommes de la préhistoire avaient déjà compris les nuances de la communication : ils éditaient eux-mêmes leurs succès de chasse sur lieux communs (le système de propriété n’avait pas encore voté) et représentaient alors les valeurs guerrières et culturelles de leurs groupes : il inventèrent alors l’image de marque. Image de marque devant laquelle nous sommes encore éblouis aujourd’hui. Nous sommes arrivés au temps où l’Homme critique ouvertement le système capitaliste mais paye pour entrer dans une grotte et y adopter une image de marque.
En outre, il convient d’analyser l’aspect professionnel de la publicité, qui reste simpliste et transparent : l’annonceur donne un brief, sur lesquels il inscrit toutes les contraintes et les valeurs qu’il souhaite véhiculer, du brief naît le concept, du concept naît la maquette et de la maquette validée par l’annonceur naît la publicité. Ce serait si simple…Deux choses primordiales apparaissent alors. D’une part, le concept doit répondre aux contraintes de l’annonceur, tout en attirant un public de consommateurs. D’autre part, le concept doit être imaginé, et illustré, pour faire de chaque publicité une œuvre (oui, oui, quand on voit le temps passé pour une affiche, on se dit que c’est bien plus de travail que de mal dessiner un mammouth sur une grotte !). Chaque image, texte, lettre est analysée au peigne fin afin d’obtenir une esthétique, un ensemble artistique, global idéal que vous ne prendrez qu’une demi-seconde à peine à regarder. Les créatifs publicitaires sont des artistes qui n’ont pour défaut que d’être au service de vos attentes.
Fort de ces précepts, nous comprenons alors la prépondérance de l’art dans la publicité : Si l’art est en soi une forme de publicité, si la publicité utilise l’art de façon systématique et si l’art et la publicité sont deux disciplines complémentaires et indissociables, comment reprocher à la publicité d’être mercantile, mercantiliste (et donc anti-éthique). Avons-nous reproché à Van Gogh de se ruiner en absinthe ? Avons-nous accusé Victor Hugo des fumer ses pétards ? Avons-nous qualifié Gainsbourg de « vulgaire » ? Eh bien non ! Alors, l’ultime questionnement est posé : Pouvons-nous reprocher à la publicité de vendre les produits qui répondent à vos attentes de façon artistique ? Pouvons-nous critiquer l’expansion de l’art dans un monde où certaines œuvres valent des millions d’euros ? Est-ce que vendre des idées dans un système capitaliste devient répréhensible ?
Les questions sont posées et méritent davantage une réflexion personnelle que la simple répétition de pernicieux discours entendus à la télévision.
Vous pouvez déconnecter vos neurones.