TF1 ou le sentiment d'être coupable...
La rédaction vous répond, tel est le nom du nouveau blog mis en place par la rédaction de TF1, dont l’objectif est de répondre aux critiques des internautes concernant ses journaux éditoriaux (TF1 et LCI). Belle initiative si l’en est, même si le principe reste, à mes yeux, connoté d’un certain vice : pourquoi la première chaine se sent-elle obligée de se justifier et de défendre les divers propos de ses salariés?
Il faut avouer que si l’initiative est honorable, elle n’en semble pas moins stratégique. Laissons l’espace d’un instant planer notre esprit : un journal télévisé marche bien et recueille une part d’audience acceptable. Le présentateur vedette de ce JT est remercié et sa succession se fait largement bousculée par les critiques et les admirateurs du présentateur limogé. Comment gérer cette situation, sachant que pour la crédibilité de la chaine, PPDA (appelons-le ainsi, nous restons dans la fiction) ne peut pas revenir ?
Dans une interview pour Libération, Jean-Marc Pillas, à l’origine de cette idée admet : « Ça faisait six mois qu’elle avait germé. ». Six mois avant mars, ne serait-ce point septembre ? Ou l’arrivée des premières huées concernant Laurence F. (nom fictif, évidemment) ? A partir de cette coïncidence, deux hypothèses sont possibles : soit le professionnalisme de PPDA ne souffrait d’aucune critique, soit la chaine ne souhaitait pas rendre public ces critiques, étant donné que PPDA et ses vingt ans de bons et loyaux services constituaient un symbole fort de la ligne éditoriale.
Petit bémol dans cette analyse, puisque JPP, présentateur du journal de 13h, reste aussi un personnage phare de la chaine. Bémol rapidement balayé si l’on considère que la grande majorité des téléspectateurs de ce journal sont des provinciaux qui utiliseront ce blog pour demander « l’adresse du sabotier qu’ils viennent de voir… ». Journal de province fait pour la province mais blog citadin, l’astuce est trouvée.
Et lorsque l’on demande à Jean-Marc Pillas quelles sont ses conditions d’indépendance, il réagit sobrement : « J’ai demandé à Jean-Claude Dassier quelle était sa tolérance à la critique. Illimitée, m’a-t-il répondu. ». Illimitée, jusqu’à la limite des insultes puisqu’il admet dans un autre journal « Je ne publie pas les messages insultants. ». Nous devons avouer que l’insulte facile est inintéressante mais il semblerait que si la tolérance à la critique de Jean-Claude Dassier soit illimitée, il n’en est pas de même pour Jean-Marc Pillas !
Alors, la communauté joue sur les mots (cf. l’article Les liaisons dangereuses) mais ne fait pas réellement avancer le débat. Un internaute critique, le journaliste réplique, défend sa direction et ses collègues mais personne ne sait vraiment quelles sont les conséquences de chaque article et si les professionnels en tiennent vraiment compte, la voix d’une personne ne représentant pas la voix du peuple.
En parlant de français et de beauté de la langue, j’aimerais partager une expression tirée de la psychologie sociale : le phénomène de mauvais objet. Ce phénomène désigne, dans l’évolution d’un groupe, un élément perçu comme gênant et contre lequel le groupe se retournera en cas d’échec. Une sorte d’autel des sacrifices chargé de libérer le peuple de sa rage dévastatrice, un blog de TF1 peut-être ?